De mauvais souvenirs

Toute une génération a encore en mémoire ce qui fut certainement son premier et peut-être unique contact avec la musique écrite : Le cours de solfège d'école primaire puis de collège. À cela se mèle un sentiment confus qui se balance entre bons et mauvais souvenirs souvent fonction de l'affection portée au professeur. On y apprenait la clef de sol, les rythmes, les "noire, noire, deux croches noire", on y parcourait la vie des "grands compositeurs", il y avait une bonne dose de travail à la maison si l'on voulait réussir son contrôle.

Solfège et éducation nationale

Et aujourd'hui ?

Je ne vous dirai pas que tout a changé. Par exemple, les souvenirs que se forgent les enfants à la sortie de leur cours d'éducation musicale est toujours beaucoup fonction de ce qu'ils pensent de leur professeur. En primaire (je passe volontairement sur la maternelle, bien qu'essentielle), la musique est très clairement inscrite dans les programmes mais elle ne peut être prise au sérieux qu'en fonction de la volonté de l'enseignant. Elle s'inscrit souvent dans un projet de classe ou d'école comme par exemple l'écologie, l'Afrique, les contes, les voyages, l'alimentation... et ne comporte pas encore de notion théorique. Les plus aguéris des professeurs prendront le temps d'éduquer l'oreille et le sens critique de leurs élèves autour de musiques simples, avec des questions simples. L'instrument, qu'il s'agisse d'une percussion ou bien simplement des mains se chargera d'aider l'apprenti musicien à se sentir partie d'un ensemble.

Au collège, la musique est tout simplement obligatoire et tous les élèves, de la sixième à la troisième suivent un cours d'éducation musicale d'une heure par semaine. Ils y écoutent de la musique, jouent de la musique et chantent.

Et le solfège dans tout ça ?

Pour commencer, le mot solfège n'est jamais utilisé. Le terme théorie musicale non plus. Les professeurs abordent les notions qu'ils développeront au détour d'une audition, d'un exercice ou d'un chant : les rythmes les plus simples, les hauteurs de notes, le tempo, les nuances... mais jamais ces notions se seront étudiées pour elles-mêmes. Elles seront là pour aider à la compréhension d'une notion beaucoup plus large ou pour facilier une création à venir, pour donner des outils.

Au lycée, la musique devient optionnelle et ne concèrne plus qu'un très petit nombre d'élèves, ceux qui ont choisi l'option "Art du son" et là encore, le terme solfège n'est pas utilisé. Le professeur s'appuiera toutefois sur les connaissances des élèves pour les aider à progresser et pratiquer la musique ensemble. La grande hétérogénéité des niveaux ne facilite d'ailleurs pas le travail de l'enseignant.

Ainsi, l'apprentissage du solfège, très gourmand en temps et source de trop de mauvais souvenirs pour toute une génération d'élèves a-t-il été évincé des programmes de musique, de la maternelle au lycée. Les professeurs ne s'en attristent guère et tâchent, sans connaissances théoriques préalables et souvent avec les outils les plus simples de faire ce que les enfants oublieront sans doute bien moins vite que le dessin de la clef de sol : de la musique.